Voir le film des San Blas:



10 Août 2022:

Arrivée à Panama



Après deux jours et demi de navigation nous voilà enfin au Panama ! Victoire !!

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Bien que la marina ne soit pas très fournie en termes de services, nous savourons le décor que nous offre la dense mangrove Panaméenne ainsi que la gentillesse de Sylvie, la gérante de la Marina, toujours prête à rendre service.

Peu après notre arrivée nous parvenons enfin à capter un peu internet et apprenons la naissance de la petite Mahaut, le 13 Août. Nous nous réjouissons de la merveilleuse nouvelle qui fait de Nico un tonton pour la première fois et de moi une tata pour la troisième fois. Nous aimerions tant être présents autour de Fif et Grand (la sœur de Nico et de son meilleur ami) pour célébrer avec eux ce moment unique et pour couvrir notre nouvelle nièce de bisous !! Nous devrons nous contenter des magnifiques photos que ne manquent pas de nous envoyer les nouveaux parents et grands parents, eux aussi, visiblement conquis par le charme de cette jolie poupée.

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Dès le 1er jour, nous avons la surprise et la joie de pouvoir observer un paresseux dans les arbres qui bordent le chemin menant au bureau de la marina.

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Chaque fin de semaine le cuisinier de la marina ainsi que Jean-Paul (le mari de Sylvie), déploient leur « boite à musique » devant le restaurant. Il s’agit d’une remorque contenant une véritable scène avec de nombreuses guitares et une batterie que les deux compères se réjouissent de mettre en place devant le restaurant chaque fin de semaine pour divertir les quelques clients du jour de leurs salsas endiablées. Entre deux bouchées de leurs délicieuses lasagnes au saumon, nous dansons quelques salsas entre les tables. Quel bonheur!

Comme à notre habitude, nous passons les premiers jours à nous acquitter de nos tâches à bord du bateau et décidons de réaliser la maintenance des winches. Il nous faudra environ 4h pour venir à bout de cette besogne mais nous sommes ravis que ce soit fait. La clarté du son qu’ils émettent lorsqu’on les fait sonner, nous indique la qualité du travail effectué et repartons confiants pour les futures navigations.

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Une fois les petits travaux en tout genre terminés, nous suivons les conseils de Sylvie et nous rendons en annexe dans le « tunnel de mangrove » situé à quelques coups de pagaie de la Marina.
Nous tombons amoureux du lieu. En effet, à cet endroit, au sein de la mangrove omniprésente dans le secteur, s’est formé un véritable tunnel laissant suffisamment d’espace aux barques et aux annexes pour naviguer. Nous y apercevons une famille de singe à tête blanche qui, visiblement peu satisfaits de notre intrusion sur leur territoire passent de branche en branche au dessus de nos têtes en poussant des cris stridents. Nous décidons donc de les laisser à leur tranquillité et poursuivons notre exploration un peu plus loin. Les formes géométriques des racines venant du ciel qui plongent dans l’eau donnent à cette expérience une impression presque hypnotique. Mon doigt s’agite, en effet, en totale autonomie sur le déclencheur de l’appareil photo tant l’expérience visuelle est captivante. A la sortie du tunnel nous sommes propulsés dans un décor de carte postale, avec des îles de sable blond, des palmiers, une mer turquoise… Nous imaginons notre amie Flavie qui serait probablement dans tous ces états dans ce décor de rêve.



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Quelques jours plus tard, alors que j’étais en train de déposer notre linge à la laverie, Nico a vu un jeune paresseux dans l’eau, visiblement très affaibli. Craignant pour la vie du pauvre animal qui tentait de s’accrocher à Thera avec peine, Nico lui tendit une gaffe afin de le hisser à bord du bateau.




Notre nouvel équipier semble plutôt satisfait de ses nouvelles fonctions et prend à cœur sa prise de quart ;)

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Après lui avoir laissé reprendre un peu ses esprits, notre héro du jour ramène le rescapé à terre, où il apprendra que les paresseux tombent souvent à l’eau et qu’ils s’en sortent… tout seul… Un peu déçu que son acte de bravoure ne soit finalement pas aussi héroïque que prévu, notre capitaine ressort de cette expérience avec de jolies photos de paresseux et un souvenir inoubliable avec cette petite boule de poils.

Nous profitons également de notre séjour ici pour rendre visite à Claudia et Dimitri, nos amis rencontrés chez Serge (à Isla mujeres, au Mexique) et revus plus longuement au Rio dulce (Guatemala). Ils nous font visiter leur magnifique terrain situé dans les hauteurs de Cacique, sur lequel ils construisent petit à petit leur maison au milieu des bananiers, des cocotiers et des arbres à pain. A La vue panoramique sur la mer déjà grandiose, viendra prochainement s’ajouter une piscine. Claudia nous montre l’endroit où elle souhaite installer sa plateforme de yoga. Nous passons un très bon moment avec eux et sommes ravis de les avoir retrouvés le temps d’une soirée.

Le 18 Août, notre ami Florent arrive enfin jusqu’à nous ! Après toutes ces péripéties nous sommes heureux de nous retrouver. Après une petite journée pour lui faire découvrir le tunnel de mangrove et les îles du coin, nous levons l’ancre le 20 en direction des San Blas.

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Comme nous savons qu’il est sujet au mal de mer nous choisissons de nous arrêter à Miramar, un mouillage situé à une vingtaine de miles de Panamarina. Il faut bien le reconnaitre ce premier mouillage n’a absolument rien de séduisant : Thera trône fièrement entre une île avec quelques constructions bétonnées abandonnées et un port de marchandises avec ses navires rouillés qui recrachent de la fumée noire dès qu’ils se mettent à avancer.

Le lendemain matin, un orage a décidé de nous accompagner juste au moment où nous levons l’ancre, ô joie ! La sortie de cet endroit « enchanteur » ne se fait pas sans mal. Comme rien n’est indiqué nous empruntons le bras de mer qui mène jusqu’à la passe du récif en nous fiant à nos souvenir de la veille. Visiblement nos mémoires nous ont fait défaut et, au regard de la soupe de sable que nous sommes en train de générer sous le bateau ainsi qu’aux grands gestes que nous adresse l’un des marins du port, nous en déduisons rapidement que nous sommes dans moins de 60 cm d’eau… Thera possède certes un faible tirant d’eau, mais il ne faut pas « pousser mémé dans les orties » non plus. On pousse la barre à gauche, à droite, la manette des gaz en avant, en arrière …. Toujours plus de soupe de sable et rien ne bouge.
Comme Nico a à cœur de se tirer de cette impasse tout seul et qu’il aperçoit le marin de tout à l’heure faire mine de nous venir en aide, il installe en un quart de seconde le moteur hors bord sur l’annexe pour que nous ayons plus de puissance. Je mets la marche arrière à fond tandis que Nico met les gaz aussi dans l’annexe … A la une, à la deux, à la trois… ouf ! On s’en est sortis ! … tous seuls ! ;)
Il est évident que tout ceci était calculé et que nous souhaitions seulement faire vivre des émotions fortes à notre ami Florent ;)

Nous reprenons donc la mer pour parcourir les 30 miles qui nous séparent des îles San Blas avec cet orage qui nous poursuivra jusqu’au trois quart de la navigation.
Nous sommes néanmoins heureux d’être enfin en route vers de nouvelles aventures. Nous profitons d’une accalmie pour rester à papoter sur le pont avec Florent et se raconter les nouvelles depuis notre départ de France. Soudain, un banc de dauphins à gros nez, composé d’au moins une trentaine d’individus adultes et juvéniles vient stopper net notre bavardage. Alors que certains viennent jouer devant l’étrave de Thera, d’autres s’amusent dans les vagues et nous assistons même pour la première fois à des véritables sauts hors de l’eau. Comme à chaque fois, la vue de ces cétacés nous fait retomber en enfance et nous nous réjouissons pour Florent que la mer lui ait réservé cet accueil.



21 Août 2022:

L'archipel des San Blas



Une expérience sensorielle :
Après les avoir d’abord aperçues de loin, nous découvrons enfin les premières îles du fameux archipel des San Blas avec notre ami Florent. Les louanges que nous avons entendues à maintes reprises sur ces îles me laissaient craindre une légère déception en les découvrant pour de vrai. Mes craintes s’envolent à l’instant même où mon regard se pose sur les premiers tableaux que nous offre l’archipel.
Nous avons l’impression de naviguer sur les pages d’un catalogue d’agence de voyage tant les images que nous avons devant les yeux semblent retranscrire les clichés du rêve de voyage paradisiaque à l’occidentale.

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Plus qu’une description détaillée de chaque île que nous avons visitée qui ne saurait retranscrire la singularité de ce lieu, je vous propose une expérience sensorielle pour vous permettre à vous aussi de goûter à cette croisière inoubliable:

Je vous invite donc à fermer les yeux et à nous rejoindre à bord de Thera l’espace d’un instant. Nous naviguons depuis plusieurs heures déjà et vous sentez que le rythme de votre respiration a ralenti et que vous avez laissé plus de place au silence qu’à votre habitude. Tout semble plus lent… et plus rempli en même temps.
Vous portez à présent votre attention sur la chaleur que vous ressentez à l’endroit où le soleil vient toucher votre peau. Vous prenez le temps de laisser grandir cette sensation enveloppante aussi longtemps que vous le souhaitez. Ressentez maintenant la légère brise qui vient caresser cet endroit précis et savourez comme cela vous est agréable. Votre respiration est lente et profonde et, … alors que vos yeux s’ouvrent lentement, vous découvrez un chapelet de pointillés dorés sur l’horizon azur. Une multitude de mini-îles décorées de sable blond et de cocotiers reposent sereinement sur les plus beaux mélanges de bleus que la nature puisse connaître : l’indigo, le ciel et le turquoise s’entremêlent pour former une peinture des plus contrastée. Alors que votre regard semble se perdre dans ce lagon idyllique, vous apercevez par intermittence des formes grises, lisses et brillantes au raz de l’eau. Chassant la première idée qui vous vient à l’esprit, de peur d’être déçu si vous vous trompiez, vous finissez par oser croire à ce que vos yeux sont en train d’observer. Une quarantaine de dauphins sont bels et bien en train de nager autour du bateau. Tandis que certains font la course à l’étrave du bateau, d’autres, à tribord font des sauts périlleux à qui mieux mieux. Il y en a de partout ! Où votre regard se pose, un aileron s’arrondit entre les vagues. Vous sentez votre cœur battre de plus en plus fort et retrouvez cette joie si intense de votre enfance. Chaque nouveau saut est une dose supplémentaire d’adrénaline et de dopamine dans votre organisme. Vous vous sentez vivant tout simplement. Vous observez ce banc infini de cétacés aussi longtemps qu’ils se réjouissent de vous offrir ce spectacle improvisé. Puis le cœur en joie, vous les regardez s’éloigner et reprendre leur liberté.

Le bateau file encore quelques miles, le temps pour vous de retrouver votre calme intérieur et de vous concentrer pour manœuvrer convenablement jusqu’au mouillage du jour. Vous entrez doucement dans la passe offerte par le récif corallien en guettant la profondeur à chaque seconde.
Une fois le lieu idéal trouvé vous jetez l’ancre dans une eau turquoise et cristalline entourée de coraux multicolores que vous distinguez nettement à l’œil nu depuis le pont du bateau.
Encore subjugués par la saturation du tableau que vous êtes en train d’observer, vous entendez un son sur votre gauche. On dirait des micro-gouttelettes de pluie tombant sur un lac. Vous orientez votre regard dans cette direction pour comprendre de quoi il s’agit. De minuscules poissons argentés (des silversides) jaillissent hors de l’eau par vagues successives en une valse harmonieuse. Tandis que toute votre attention est focalisée sur l’horizon pour détecter la prochaine nuée argentée, une ombre passant devant le soleil vous interrompe. Il s’agit d’un pélican qui plane lentement au dessus du voilier, vous observez la longueur de son bec, son plumage et parvenez même à percevoir la lourdeur de ses ailes comme si c’étaient les vôtres…. Soudain, vous voyez le volatile qui plonge à pic dans le bleu turquoise de l’étendue d’eau qui vous entoure. Quelques secondes plus tard un deuxième spécimen reproduit la même prouesse acrobatique de l’autre côté du bateau, en vue de se délecter, lui aussi de la meilleure bouchée de poisson des environs.

L’observation de ce tableau en mouvement vous a semblé ne durer qu’une dizaine de minutes. Les flammes jaune-orangées qui embrasent à présent le ciel en se reflétant dans l’eau sont pourtant la preuve que la journée est belle et bien en train de s’achever. Vous profitez d’un dernier instant pour admirer la silhouette des palmiers majestueux qui se détachent de cet arrière plan incandescent avant de revenir… à votre rythme… dans l’ici et maintenant.

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J’espère que cette expérience sensorielle au cœur de l’archipel des San blas vous a plu et qu’elle vous donnera envie de venir explorer ces terres presque vierges par vous-même.
En attendant, voici quelques images plus concrètes pour vous donner un aperçu de la réalité.





La population et leur territoire

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L’archipel des San Blas compte environ 50 000 habitants et est composé d’environ 375 îles dispersées sur 250 km sur la côte Caribéenne du Panama. La majorité d’entre elles sont inhabitées et une soixantaine est occupée par la population autochtone Kuna (ou Guna) qui s’organise à tour de rôle chaque mois pour prendre soin d’une île en particulier. Leur territoire (Kuna Yala) formé de ces îles et d’une bande de terre située sur le continent, dispose de son autonomie depuis la guerre d'indépendance menée par sa population contre le Panama dans les années 1920.
Les Indiens kunas ont des députés à l’assemblée nationale panaméenne et, en 1999, un Kuna en a même été élu président.
Les Indiens Kunas vivent essentiellement de chasse et de pêche mais ils font aussi de l'agriculture sur des parcelles de forêt (bananes, maïs, riz, manioc, cacao, café, igname…). Ils cultivent également sur un certain nombre d'îlots la noix de coco, qui constitue d'une part une des bases de leur alimentation mais aussi un revenu financier à la revente aux bateaux « costenios » colombiens et panaméens. Lorsque vous êtes au mouillage il n’est pas rare de voir des Kunas à bord de leur « cayuco » (barque à voile, creusée dans un tronc d’arbre) ramer jusqu’à vous pour vous vendre poissons, langoustes, crabes, fruits ou légumes ou même parfois simplement pour bavarder ou faire recharger leur téléphone portable. Pour ce que nous en avons vu, ils ont un abord très agréable et respectueux. Ils proposent mais n’imposent jamais. Par ailleurs bien que possédant leur propre langue, ils parlent tous couramment l’espagnol et souvent très bien l’anglais également ; ce qui facilite grandement les échanges avec eux.

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La société kuna est matriarcale et monogame. Les femmes continuent d'y perpétuer les traditions, notamment avec la vente des fameuses molas, œuvres de tissu colorés ornées de dessins à thèmes, riches en couleurs, utilisant la technique de l'appliqué inversé. A l’origine la population kuna se recouvrait le corps de peintures pour empêcher les mauvais esprits de pénétrer dans les âmes des gens. Pour cela ils utilisaient les couleurs de la terre : l’orange, le bordeaux et le noir. Pour offrir une plus grande protection, il fallait qu’il y ait le moins d’espace vide sur la peau. Plus tard, avec l’apparition du tissu, ils remplacèrent ces peintures par des étoffes qui reprennent les mêmes codes couleurs et symboliques que les peintures initiales. La population kuna accorde une grande importance à la nature et à la spiritualité, ce qui se traduit dans leurs créations. Avec l’arrivée du tourisme dans la zone, les molas représentent aujourd’hui aussi des symboles qui plaisent davantage mais qui n’ont plus rien de traditionnel.

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Nos activités quotidiennes :
Au milieu de ce véritable paradis nous occupons nous journées entre :
- Le snorkeling :
Harnachés de la tête au pied comme il se doit, nous nous immergeons quotidiennement pendant plusieurs heures sur la 3ème plus grande barrière de corail du monde (après la grande barrière Australienne et la barrière méso-américaine qui part du Mexique jusqu’aux îles de la baie, au Honduras). Le récif est en bonne santé avec de belles couleurs et des coraux variés. Nous retrouvons avec joie, la plupart des poissons que nous avions l’habitude de croiser au Honduras : sergents majors, poissons demoiselles, poissons perroquets, carangues grasses, chromis bleus, labres créoles, poissons chirurgiens, poissons anges, diodons … et en découvrons même quelques autres. Ici peu de tortue mais les requins (nourrices pour la plupart) sont monnaie courante dans les environs. Je m’habitue peu à peu à leur présence.



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- La chasse sous-marine :
Tandis que je m’attèle à chasser les meilleures images subaquatiques, Nico lui est toujours à l’affût du plus gros poisson pour le prochain repas. Carangues, poissons lions, pagres et barracudas ravissent régulièrement (si ce n’est quotidiennement) nos papilles. Bien que je me réjouisse de ce petit privilège de déguster du poisson frais tous les jours, pour tout vous dire, je crains que mon cher et tendre ne soit devenu complètement accro à la chasse sous-marine. Il ne me parle plus que de poissons ! Même quand vient la nuit et que je me réjouis d’une petite trêve, voilà qu’il se met à me commenter la taille des poissons dans son sommeil !! Dois-je alerter son médecin ?

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- Apnée :
Lorsque sur certains mouillages, la vie aquatique n’est pas très riche, nous en profitons pour nous exercer à l’apnée. A l’heure où j’écris ces lignes mon recors est de 62 secondes à 16.30 mètres de profondeur. Nico, quant à lui vient d’atteindre les 30.10 mètres et dépasse parfois les 3 minutes. Je crois qu’il n’est pas loin de se transformer en poisson.

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- La voile :
Je profite de cette période de l’année durant laquelle le vent est faible pour enfin m’initier sereinement aux manœuvres de voile. La visite à bord de notre ami Florent me propulse un bref instant au rang de capitaine. Je me surprends moi-même de l’autorité dont je suis capable de faire preuve. Notre nouveau mousse s’en sort à merveille.



- Visite des îles :
Pour être tout à fait francs, ce n’est pas l’activité qui nous prend le plus de temps mais parfois la beauté singulière de certaines îles nous pousse à l’exploration et à mettre en pratique nos « talents » de Robinsons.



- Les charters :
Comme la pratique du charter semble très répandue dans l’archipel et ce, quelle que soit la taille et le standing du bateau, nous avons décidé de nous lancer aussi en proposant des mini croisières dans les San blas aux touristes qui le souhaitent. Ceci sera un bon moyen de rencontrer de nouvelles personnes du monde entier et de renflouer la caisse de bord avant le passage dans le Pacifique.
Afin de mettre en place ce projet, Nico s’est lancé dans la confection d’un nouveau site professionnel (www.sanblascruising.com), nous avons briqué le bateau pour réaliser de belles photos et nous nous sommes remis à cuisiner de bons petits plats pour nos futurs invités (gâteaux à la banane, au chocolat, tartes au citron, pain fait maison… ).

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Philip et Marie, un couple d’étudiants en médecine Luxembourgeois des plus sympathiques ont été nos premiers clients. Ils sont repartis conquis de leurs trois jours à bord de Thera et nous ont laissé un commentaire très élogieux qui nous donne pleinement confiance pour la suite du projet.

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- Avitaillement et linge :
Bien que des barques de Kunas passent régulièrement pour nous vendre du poisson, il n’est pas si facile de tomber au bon moment pour le passage de l’une des barques qui vend des fruits et légumes. Nous sommes parvenus à dégotter quelques précieux numéros de téléphone et selon le mouillage où nous nous trouvons nous pouvons, à présent passer nos commandes et être livrés directement sur le bateau. Lorsque cela n’est pas possible nous sommes contraints de nous rendre dans les grandes « villes » du territoire comme Carti , Nargana ou rio Azucar pour procéder à notre ravitaillement. Encore faut-il tomber le bon jour de l’achalandage dans les magasins si vous souhaitez repartir avec plus qu’une banane plantain et 3 œufs dans votre panier… toute une aventure.
Pour les lessives, comme il n’y a aucune machine à laver, nous avons opté pour la formule « à l’ancienne » et allons laver notre linge dans le rio tigre, proche de Nargana. Je vous laisse imaginer le bonheur lorsqu’il faut laver les draps entre chaque charter, un vrai régal. Cependant, la remontée du rio en annexe est de toute beauté avec ses palmiers, ses bananiers, ses échassiers volant au dessus de nos têtes et le passage de temps à autre de quelques barques de Kunas ramenant de l’eau potable jusqu’au village dans de gros bidons. Une laverie peu pratique donc mais avec beaucoup de charme.

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L’archipel des San Blas est un lieu d’une beauté rare qui a bouleversé tous nos sens et conquis nos cœurs.
Nous vous laissons avec ce petit moment de vie immortalisé à la volée lors de notre passage sur l’île de rio Azucar. Il s’agit d’une répétition de danse des enfants en vue de la célébration à venir du couronnement de la prochaine reine de la communauté.



9 Mai 2023:

Passage du canal de Panama



Les derniers préparatifs :

Après ces 8 mois passés dans les San Blas, nous avons décidé de nous offrir 1 mois en France. Cela nous a permis de profiter de nos familles et amis respectifs ainsi que de savourer les bons petits plats nationaux qui nous avaient tant manqués. A nous comté, fondue bourguignonne, raclette, mille-feuilles, croissants et pains au chocolat. A nous les câlins quotidiens de Sevan et Lya, à nous la peau douce et les regards emplis de curiosité de Mahaut. A nous les randonnées dans les Hautes Alpes et à moi les pistes de danse Lyonnaises !!

Bien que nous ayons le dos en vrac tous les deux, la parenthèse Française nous a fait du bien et repartons le 30 avril en direction de Thera, laissée depuis 1 mois à Panamarina.

A notre arrivée à Panama City, nous en profitons pour mettre des annonces sur les réseaux sociaux afin de trouver le 3 handliners nécessaires pour le passage du canal de Panama, le 9 mai prochain. Nous rencontrons fortuitement notre 1ère handliner autour d'un petit-déjeuner sommaire dans notre hôtel dès lendemain de notre arrivée. Amanda est une Américaine de 40 ans qui travaille à distance et voyage seule à l’année. Après quelques minutes d’échange elle semble emballée par le projet et nous révèle en avoir même rêvé sans avoir eu le temps de pouvoir l'organiser. Elle est sensible aux opportunités que l’univers lui envoie et s'empresse donc de contacter son employeur pour obtenir 2 jours de disponibilité les 9 et 10 mai. Elle reviendra vers nous 2h plus tard avec la confirmation de sa présence pour cette aventure à venir.

En parallèle de cela, les notifications sur nos portables nous informent que 2 autres personnes seraient intéressées.
Après quelques échanges téléphoniques, nous terminons de compléter notre équipe d'aventuriers avec Jimmy et Sabrina. Lui est un Néo-Zélandais de 70 ans qui souhaitait déjà effectuer le passage du canal il y a 20 ans mais avait malheureusement loupé le bus pour rejoindre l’équipage à temps. Il est donc emballé à l’idée d'avoir une 2ème chance. Sabrina, quant à elle, est une Allemande de 25 ans enjouée et rigolote qui est déjà sur un bateau à Panama City, en attente pour s’élancer dans le Pacifique. Elle regrettait de ne pas avoir pu vivre la traversée du canal et est donc ravie lorsqu’on lui confirme sa participation à l'aventure.
Nous convions tout ce petit monde à nous rejoindre le 8 mai au soir à bord de Thera, au mouillage de Shelter bay.

Au cours de la semaine qui précède ces retrouvailles, nous rejoignons Panamarina où nous nous activons pour réaliser les derniers préparatifs et petits ajustements avant le grand départ. Ma machine à coudre reprend du service pour réaliser la réparation du lazy bag (la housse de protection de la grand voile) et améliorer le système d'attache du bimini au roof. De son côté Nico effectue la maintenance du moteur hors bord, répare les fuites de l'annexe et effectue la partie électrique de notre future douche extérieure. Nous réinstallons également la grand voile ainsi que le Génois dont une petite partie de la bande UV vient d’être fraîchement recousue. Nous organisons également un rdv avec Stanley pour récupérer de plus grosses lignes et de gros pare-battages obligatoires pour la traversée du canal.

Quelques infos sur le canal

- Fonctionnement du canal :

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Le canal de Panama est un canal maritime à écluses de 82 km de long reliant l’océan Atlantique et l’océan Pacifique.
C’est un passage stratégique pour le commerce international puisque depuis 1914 il permet aux navires de s’affranchir du long détour par le Cap Horn pour relier les deux océans. Chaque année, il est emprunté par plus de 14 000 navires (entre 35 et 40 par jour) transportant plus de 203 millions de tonnes de cargaison.
Pour effectuer cette traversée entre les deux océans, les bateaux doivent naviguer sur le lac Gatún formé par un barrage sur le río Chagres et alimenté également par les eaux du lac Alajuela. Situé à environ 26 m au dessus du niveau de la mer, le lac Gatún a imposé la construction de 3 écluses : l’écluse « Gatún » (composé de 3 chambres), côté Atlantique et les écluses de « Pedro Miguel » (1 chambre) et de « Miraflores » (composé de 2 chambres), côté Pacifique. Ce dispositif permet, dans un premier temps, aux bateaux de s’élever au niveau du lac, puis de redescendre de l’autre côté, au niveau de la mer.
Seuls les pilotes du canal de Panama sont autorisés à guider un bateau à travers le canal. Chaque bateau qui le traverse est donc obligé de recevoir à son bord un pilote du canal pour l’intégralité de la journée. C’est lui qui contactera par radio les équipes au sol de chaque chambre des différentes écluses pour planifier le passage des différents bateaux.

En architecture navale la taille du canal de Panama (largeur, profondeur et longueur des chambres) est un facteur déterminent pour la construction des navires cargo : nombreux sont ceux qui sont conçus à la limite de cette taille et sont d’ailleurs appelés les « Panamax ».

Des travaux d'élargissement du canal ont été lancés en septembre 2007 pour permettre le passage de navires de plus gros tonnage, transportant jusqu'à 12 000 conteneurs, soit plus du double de la charge auparavant autorisée. Après un chantier de 9 ans de 5 milliards d’euros, le premier navire « Neopanamax » a passé les nouvelles écluses le 26 juin 2016.

Mais à l'heure de la mise en service, des voix s'élèvent pour critiquer la taille des écluses, trop étroites pour recevoir les « méga porte-conteneurs » de la dernière génération. À ce jour, une vingtaine de navires transportant plus de 18?000 containers sont déjà en flotte. Une cinquantaine est en commande. Et l'on annonce l'arrivée, l'année prochaine, de géants de qui pourront transporter 21?000 conteneurs !

Le coût du canal varie en fonction de la taille du bateau et de sa capacité de transport en termes de conteneurs. Les Neopanamax pleins, peuvent payer jusqu’à 1,2 millions de Dollars par passage. De notre côté, nous avons dû débourser 2000 $ + 1000 $ de caution (en cas de dégât occasionné dans le canal ou si le repas du pilote n’est pas décent, c'est-à-dire chaud et servit avec de l’eau en bouteilles fermées…)

- Un peu d’histoire :
Avec ses enjeux à la fois politique et économiques, la construction du canal a été convoitée par les grandes puissances mondiales. Les Français ont été les premiers à entamer la percée du canal en 1881 sous la direction de Ferdinand de Lesseps. Cependant à cause d’un grand nombre de décès (environ 20 000 personnes) dus principalement à la fièvre jaune et à la malaria, ainsi qu’à des difficultés financières, les Français abandonnèrent le projet en 1889. En 1904, les États-Unis reprirent la construction sur les bases du tracé français pour le terminer en 1914.

Alors que le Panama appartenait encore à la Colombie, les États-Unis ont entamé des négociations avec le gouvernement Colombien pour obtenir le droit de construire un canal. Comme ils firent choux blanc, les Américains ont encouragé le peuple Panaméen à se révolter et à réclamer leur indépendance de la Colombie. Le 3 Novembre 1903 l’indépendance est proclamée et les États-Unis offrent une protection sur place contre d’éventuelles représailles de la Colombie (« Oh comme ils sont gentils ! »). Suite à l’indépendance du Panama, les États-Unis se virent accorder le contrôle du canal de Panama à perpétuité (et donc de ses revenus) via le traité de Hay-Bunau-Varilla.
Remis en cause à plusieurs reprises, ce traité est annulé en 1977 avec la signature des traités Torrijos-Carter, par lesquels la république du Panamá deviendra, le 31 décembre 1999, propriétaire et gestionnaire du canal.

- Canal et réchauffement climatique :
L’autorité du canal de Panamá (ACP) a dû limiter en avril 2023 puis juin 2023 l’accès à la voie interocéanique. Alajuela et Gatún sont les deux lacs artificiels qui fournissent au canal l’eau nécessaire au fonctionnement des écluses ainsi que de l’eau douce à plus de la moitié des 4,3 millions d’habitants du Panamá. Pour information, à chaque passage de navire, ce sont environ 200 millions de litres d’eau douce qui sont déversés dans la mer.
Ces dernières années, leur niveau a drastiquement baissé en raison de la sécheresse qui frappe le bassin hydrographique de la région. Le phénomène climatique « El Niño », particulièrement fort cette année, entraînera probablement une baisse de la pluviométrie qui ne devrait pas arranger la donne. Déjà, en 2019, le canal ne disposait plus que de 3 milliards de mètres cubes d’eau douce alors qu’il lui en faut un peu plus de 5,2 milliards pour fonctionner. Cette année, la sécheresse n’a fait qu’aggraver ce déficit. En conséquence, la profondeur des porte-conteneurs Neopanamax est limitée à 13,3 mètres - contre 13,4 auparavant. Pour cela, les navires doivent soit transporter moins de marchandises, soit peser eux-mêmes moins lourds pour flotter plus haut.
Le secteur des services, incluant le canal de Panama, contribue pour 80 % à son produit intérieur brut. Le réchauffement climatique représentera donc dans les années à venir un enjeu de taille dans l’économie de l’Isthme Panaméen.

Le grand départ :
Le 7 Mai 2023 au matin, Thera est fin prête et nous parcourons avec facilité les 30 Miles qui nous séparent de la ville de Colón. A notre plus grand soulagement, Nico n’a pas souffert du mal de mer. Nous croisons les doigts pour qu'il en soit de même lorsque nous serons dans le grand bain.
Le lendemain matin nous récupérons comme prévu les pare-battages et les lignes auprès de Stanley, un grand Gaillard sympathique et digne de confiance que nous recommandons aux plaisanciers qui s’apprêtent à passer le canal de Panama.

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Vers 17h Amanda est la première à arriver, suivie de prêt par Jimmy. Nous nous inquiétons un peu de la fiabilité de Sabrina que nous savons décidée à venir en Stop depuis Panama. L’importance de chaque détail pour la bonne réalisation de ce processus est telle qu’une certaine tension interne commence à se fait sentir.
« Comment faire si elle ne vient pas ? », « personne d'autre ne nous a contactés, qui trouver d’autre de disponible dans un délai aussi court ?"… Nous tentons de l'appeler pour calmer notre inquiétude grandissante mais elle ne répond pas tout de suite. Cependant, au bout de quelques temps elle finira tout de même par répondre et par nous rassurer : elle est en route et arrivera vers 18h30. Ouf !

Une fois tout le monde à bord, Nico organise une mini formation pour leur expliquer comment effectuer les classiques nœuds de chaise, de cabestan et double clé, ainsi que la procédure pour frapper un bout aux taquets. Après avoir échangé un peu autour d'un repas à la bonne franquette chacun prend sa place pour aller dormir car demain : levés à 3h30 du matin ! Ça va piquer. La nuit est assez mauvaise pour tout le monde car le mouillage est assez rouleur et les équipiers doivent s'habituer aux nouveaux bruits du bateau. Le capitaine et son petit mousse, quant à eux ont l'esprit trop agité pour trouver le sommeil. C’est ainsi qu’avec une nuit de 2/3h de sommeil seulement dans les pattes, nous entendons le réveil de 03h30 sonner. Après un bref petit-déjeuner, nous suivons la procédure indiquée et contactons le pilote du canal à la radio pour lui confirmer notre présence pour la traverse du canal.
Supposé arriver à 4h30, celui-ci débarque 5 minutes après notre appel radio, nous mettant tous un peu sous stress pour procéder aux derniers rangements et préparatifs du bateau. Nous découvrons un homme autoritaire et peu aimable qui nous somme de nous dépêcher car nous devons retrouver un catamaran pour passer en binôme la première écluse (alors que nous sommes en avance…). C’est donc les nerfs en pelote que nous levons l’ancre dans la nuit noire.

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Après quelques minutes de navigation, nous voilà déjà sous le pont de l’Atlantique encore éclairé. Les appareils photos des filles mitraillent sous le regard encore et toujours crispé de notre aimable pilote.



Nous rejoignons "l’Even Star" en attente juste avant l’écluse « Gatún », environ une heure plus tard. A son bord, un couple de Néo-zélandais et leur fils préposé à la vidéo ainsi que deux équipiers Français bien sympas. Nous nous mettons à couple avec le catamaran et échangeons quelques formules politesses. Comme les minutes passent et que nous ne recevons toujours pas le feu vert pour partir nous demandons à notre aimable pilote ce qui se passe. Visiblement l’un des capitaines du « Cool Explorer », l’énorme cargo situé devant nous et avec lequel nous allons passer dans la première écluse, est en retard. Nous attendrons environ 1 heure le bienheureux avant de recevoir enfin le feu vert des autorités pour nous avancer dans la première chambre. Thera, à couple avec l’ "Even Star" s’avance donc enfin doucement en direction de la première écluse « Gatún ».



A terre, 2 agents du canal nous accompagnent de chaque côté de l’écluse. Ils attendent que l’on soit suffisamment près pour nous envoyer une fine cordelette à l’aide d’une touline (une petite balle au bout d’une longue corde) afin de récupérer nos amarres. Tels des cow-boys avec leur lasso, Ils font tournoyer le bout dans les airs afin de pouvoir envoyer l’extrémité avec la touline à bord de Thera. Bien qu’expérimentés, il leur faudra néanmoins parfois faire plusieurs tentatives avant de viser juste. Jimmy est à la réception à l’arrière et moi à l’avant. La concentration est maximale et le focus difficile à faire une fois la balle tournoyant dans les airs, mais nous parvenons tous deux à l’attraper. Une fois en mains, nous suivons les recommandations et l’attachons en faisant un nœud de chaise autour de nos amarres.
Dès que ce dispositif est en place, les agents du canal n’ont plus qu’à tirer progressivement sur leurs fines lignes tout en marchant en direction de l’imposant cargo qui nous précède. La proximité avec ce monstre des mers nous donne l’impression d’être microscopiques. Une fois nos amarres en mains, ils n’ont plus qu’à les attacher aux bites d’amarrage afin de nous maintenir en position.
Au bout d’un court instant les lourdes portes de 662 tonnes, 25 mètres de haut et 2.1 mètres d’épaisseur qui se situent derrière nous, commencent à se refermer progressivement. Il faut compter environ 8 minutes pour qu’une chambre recueille les 101 0000 mètres cubes d’eau douce nécessaires à son remplissage.



Lorsque seule une petite fente de lumière nous permet de pouvoir encore entrevoir l’océan Atlantique, nous prenons pleinement conscience que notre chapitre Caribéen est en train de se clôturer. Tel un écrivain qui prendrait son stylo pour entamer la première page de son livre, un léger vertige teinté de doutes et d’excitation s’empare de moi. Il n’est pas si fréquent dans une vie de prendre conscience aussi intensément d’être en suspension entre le passé et le futur. De prendre conscience que ce qui est connu et sûr est à présent derrière soi, et que tout ce qui est à venir est incertain et reste à écrire, à inventer et à provoque. Je surfe sur cette idée l’espace d’un instant en me sentant remplie de gratitude pour ce que nous sommes en train de vivre et pour tous les possibles que cela nous offre. Connectée à ces sensations, je sens des larmes de joie commencer à vouloir poindre… mais les bavardages des gens sur le bateau parviennent à mes oreilles et ma volonté de réaliser les manœuvres de lignes convenablement me sort de mes rêveries, stoppant de facto mon émotion naissante.

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Le remplissage de la première chambre nous aura fait monter de 8-9 mètres de dénivelé. Pour passer à la seconde chambre, les portes situé à l’avant du bateau s’ouvrent. Le niveau de l’eau étant au même niveau que la chambre précédente, les agents du canal n’ont qu’à reprendre nos amarres en mains pour nous faire avancer de nouveau. Une fois amarrés nous réitérons la même procédure que pour la première chambre afin de gagner encore un peu plus en altitude (8-9 mètres à chaque fois). Idem pour la troisième chambre qui s’ouvre ; quant à elle, sur le fameux Lac Gatún, 26 mètres plus haut que notre point de départ.

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Ici, nous nous détachons du catamaran et cheminerons pendant 5 heures en solo pour traverser le lac Gatún. La présence des Panamax et Neopanamax requière une attention constante pour effectuer la traversée en toute sécurité. Nous avons ordre de rester proches des balises situées sur notre tribord afin de leur laisser la place pour croiser. Nous avons eu vent seulement une semaine avant notre passage, qu’un catamaran (le prédestiné « Atlantide ») s’est échoué juste après la dernière écluse de Miraflores, à cause d’un pilote du canal qui leur avait donné l’ordre de sortir légèrement du canal pour laisser passer un cargo. Aussi, sommes-nous tendus et en permanence tiraillés entre le fait de respecter ses ordres et de suivre notre bon sens.
La traversée du lac se passe bien et nous en profitons pour nous octroyer une petite pause repas. J’avais préparé une ratatouille avec du riz et une omelette et Nico un banana bread. Le pilote ayant eu un œuf au petit déjeuner réclame autre chose. Je lui fais donc réchauffer une boite de thon (pas dingo mais c’est tout ce que j’ai). Visiblement, peu coutumier des usages de politesse, celui-ci prendra son assiette sans même me regarder ou me remercier pour finalement en laisser les ¾. Certes, la ratatouille a quelques différences avec le graillon dont il doit être coutumier mais je dois bien admettre qu’il m’a mis les boules le bougre ! Si j’avais su, j’aurais fait des sandwiches pour tout le monde… mais interdit si tu veux revoir ta caution… grrr. (Le souvenir est encore vivace, on dirait).

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Bref, nous poursuivons notre route et l’on nous indique que nous ne passerons pas avec le catamaran précédent lors des prochaines écluses, car nous sommes plus lents que lui. Nous stressons un peu pour notre caution parce que nous savons qu’il nous est demandé de faire 6 nœuds de moyenne et nous ne faisons que du 5.5 nœuds…Nico fait marner le moteur comme il peut toute la journée. Nous passons par la coupe Gaillard et peu avant le pont Centenaire notre pilote nous demande de ralentir car il vient de savoir que nous allons finalement passer avec l’ « Atacama Queen », un cargo qui se trouve à 1 heure en amont de notre position actuelle. Même si cela signifie que nous arriverons un peu plus tard, nous sommes tous les deux contents de pouvoir baisser un peu le régime moteur afin de lui offrir à lui aussi une petite pause méridienne.

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Nous continuons ainsi à avancer à bas régime pour arriver à l’entrée de l’écluse « Pedro Miguel » aux alentours de 14h. Nous recevons la consigne de faire demi-tour pour maintenir notre position afin d’attendre le cargo et de mettre juste ce qu’il faut de moteur pour contrer le courant. Nous attendons ainsi une dizaine de minutes. Une fois le cargo en vue, on nous demande de nous placer sur le quai de bâbord pour attendre qu’il arrive vraiment. Les agents du canal au sol nous demandent de leur lancer nos amarres mais nous recevons environ 15 nœuds de vent qui nous positionne en crabe à l’intérieur du couloir. De plus, le poids de ces énormes lignes est trop important pour que je parvienne à leur lancer à une telle distance. J’essaye une fois, deux fois, trois fois, mais je n’y arrive pas. Jimmy viendra à la rescousse et finira par envoyer cette fichue amarre à destination. Amanda, à l’arrière fait aussi plusieurs tentatives et finit par y arriver.
Après quelques minutes, on nous détache et nous tentons de nous maintenir au milieu du couloir qui conduit à la chambre N°1 afin d’entamer la première étape de notre descente au niveau de l’océan Pacifique. Nous répétons la procédure du matin avec les toulines avec laquelle nous sommes un peu plus familiers à présent. Les agents au sol sont un peu moins précis que ceux du matin. Ils semblent plus intéressés par la présence de l’équipage féminin que par la pratique de la touline. Pas mal de ratés d’envois et de réception donc sur cette chambre-là. La fatigue commence à se faire sentir pour tout le monde et les ordres donnés en 3 langues différentes par 10 personnes à la fois commencent à faire monter un peu le ton à bord (Les agents du canal en espagnol, le pilote en Anglais, Nico en Anglais et Français mais en étant aphone par-dessus le moteur qui ronfle et Jimmy qui commence à s’y mettre, que du bonheur). Une fois cette première chambre passée, Nico fera un rapide débriefing et nous conviendrons qu’il sera désormais le seul à donner des ordres (avec le pilote aussi bien évidemment, pas le choix).



Une fois amarrés, cette fois-ci en première place derrière le portail avant, nous regardons cet autre géant des mers se faire guider par les locomotives électriques appelées "mulas" en espagnol (c'est-à-dire mules). Les mules ne servent pas à faire avancer les navires, mais uniquement à les guider latéralement pour les garder bien centrés. La marge de manœuvre est de l'ordre de 60 cm de chaque côté, ce qui demande un grand savoir-faire de la part des conducteurs. A mesure que l’ « Atacama Queen » se rapproche, nous ne pouvons qu’espérer que le système de freinage soit bien efficient, faute de quoi, nous nous retrouverions aplatis comme des crêpes sur les portes avant de la chambre. Ouf, visiblement tout fonctionne, nous fêterons donc sans regret la Chandeleur une autre fois !
La porte arrière se referme et nous voyons, cette fois-ci le niveau de l’eau s’abaisser au fil des secondes. Notre rôle (handliners) est de libérer progressivement de la ligne afin de ne pas se retrouver à pendouiller le long des parois de la chambre une fois l’eau évacuée. Cette image peu réjouissante suffira à l’ensemble de l’équipage pour garder une concentration sans faille jusqu’à la dernière écluse.

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Après quelques minutes nous arrivons enfin à la dernière étape du parcours, la fameuse écluse de « Miraflores » que nous avions déjà vue depuis la terre lors nos divers passages à Panama City et que j’avais visitée seule lors de mon voyage en Amérique latine de 2018. En ce temps-là, j’avais moi aussi fait partie des badauds attroupés au 1er étage du musée du canal, ébahie par la taille des cargos et paquebots immenses passant à quelques mètres seulement de moi. Aujourd’hui à bord de Thera, j’entends les microphones du musée expliquer le fonctionnement du canal dire « vous voyez ce petit bateau est en train de descendre dans la chambre N°1…. ». A la proue, Sabrina et moi, goutons à la joie de notre éphémère notoriété en saluant notre public à l’instar de la Reine d’Angleterre. Nous rions beaucoup. Cela restera pour moi un moment exquis de cette traversée (même si cela nous aura valu un rappel à l’ordre de notre aimable pilote ! « Le canal c’est sérieux, on ne rit pas ! »). Nous voyons progressivement notre tout nouveau public disparaitre à mesure que l’eau de la première chambre s’évacue et nous rapproche du niveau la mer. Encore une chambre et ce sera la fin de ce long parcours.

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Les portes s’ouvrent, on nous avance jusqu’à la dernière chambre et enfin, nous apercevons les premiers motifs et couleurs de l’avenir qui s’offre à nous. Par une toute petite fente pour commencer, puis la première image de notre livre est enfin en mouvement devant nos yeux écarquillés. La pression de cette longue journée, le manque de sommeil et la joie de l’atteinte d’un objectif longuement visé, auront raison de mon cher Capitaine qui se laisse aller à quelques larmes de joie. Tout l’équipage crie de joie et nous les félicitons pour leur implication tout au long de la journée.

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Nous parcourons encore quelques miles tous ensemble, et vers 17h30 (soit 13h30 après notre départ), nous passons sous le célèbre pont des Amériques et irons successivement déposer notre pilote « adoré » au lieu prévu à cet effet puis, le reste de notre équipe, une fois arrivés au mouillage de Panama City. Nous réitérons notre gratitude envers eux et promettons de nous retrouver autour d’un verre dans la semaine pour nous remémorer cette journée riche en émotions.
Une fois le bateau en ordre, nous nous posons enfin tous les deux pour savourer l’atteinte de cette nouvelle étape importante de nos vies. Nous savons qu’il n’y aura pas de retour possible en bateau (car trop cher) et que la prochaine grande aventure sera celle de la traversée du Pacifique tous les deux. Je suis tellement heureuse ! Pour moi, bien évidemment car j’ai toujours rêvé de vivre des aventures et de voyager autour du monde, mais pour Nico surtout, parce que je sais que c’est un rêve auquel il tient depuis si longtemps et qu’il a dû tant de fois reporter à cause des aléas de la vie… Je me réjouis donc doublement ce soir là : pour moi et par procuration, en voyant mon amoureux s’accomplir devant mes yeux. Je suis heureuse aussi que tout se soit bien passé et j’ai une pensé pour l’équipage de « l’Atlantide » qui n’a pas eu la même chance il y a quelques semaines.

Merci la vie !

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